La Nouvelle Manga et le cinéma

Auteurs-es

  • Trifonova Temenuga York University

DOI :

https://doi.org/10.29173/af28212

Résumé

Cet article montre que concevoir des bandes dessinées (BD) est fondamentalement un processus narratif. Par conséquent, le tournant pris par la BD pour s’éloigner de la littérature en direction des arts visuels comme le cinéma a aussi été le fait des bédéistes qui ont adapté leur esthétique visuelle en recourant à des récits innovants: le "tournant visuel" n’est pas simplement un rejet du littéraire et des aspects textuels de la BD, mais également un réajustement vers de nouveaux récits non séquentiels (comme ceux de la nouvelle vague). C’est seulement de cette façon que l’on peut expliquer le paradoxe selon lequel l’intérêt autoproclamé de la nouvelle manga pour la narration plutôt que l’illustration ne s’aligne pas sur le postulat critique du "tournant visuel" depuis le début des années 1990. Dès lors, qualifier la nouvelle manga de « cinématique » revient à faire référence à la fois à des techniques visuelles particulières qui sont généralement associées au cinéma, mais aussi à un type particulier de narration qui est caractéristique de la nouvelle vague et du cinéma japonais. Il y a des similarités indéniables entre la structure narrative en épisode de la nouvelle vague et ce que David Desser appelle « le paradigme classique » du cinéma japonais, dont le meilleur exemple est le cinéma d’Ozu. Desser compare son mode narratif à ceux du théâtre Kabuki et des romans japonais. Les films d’Ozu perturbent la linéarité narrative, soulignent les manipulations spatiales, recourent à des ellipses temporelles, emploient une structure épisodique et évite les moments paroxystiques afin d’explorer la banalité de la vie quotidienne. Frédéric Boilet, auteur du manifeste de la Nouvelle Manga, préconisait l’utilisation par la nouvelle manga d’histoires ordinaires de la manga japonaise pour contrebalancer l’emphase excessive sur l’illustration qu’il trouvait typique de la BD française. Paradoxalement, cependant, l’incorporation d’histoires de la vie quotidienne n’a pas résulté en un surcroît d’importance accordée à l’histoire; bien au contraire: en fait, la narration relâchée et épisodique de la nouvelle manga, voire sa quasi-absence, a servi à recentrer l’attention sur le plan visuel. 

Biographie de l'auteur-e

Trifonova Temenuga, York University

emenuga Trifonova is Associate Professor of Cinema and Media Arts. She has previously taught at the University of New Brunswick and the University of California, Santa Cruz. Trifonova is the author of Warped Minds: Cinema and Psychopathology (Amsterdam University Press, 2014), European Film Theory (Routledge, 2008) and The Image in French Philosophy (Rodopi, 2007). She has published in The Routledge Encyclopaedia of Film Theory, Cinema: Journal of Philosophy and the Moving Image, SubStance, Film and Philosophy, Space and Culture, The European Journal of American Culture, Studies in European Cinema, Rivista di Estetica, CTheory: Theory beyond the Codes, Cineaste, Studies in Eastern European Cinema, CineAction, Studies in Comics, Quarterly Journal of Film and Video, The Wallace Stevens Journal, Postmodern Culture, Scope, Kinema, Senses of Cinema, Interdisciplinary Literary Studies, and in several edited collections.

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Publié-e

2016-09-22

Comment citer

Temenuga, T. (2016). La Nouvelle Manga et le cinéma. ALTERNATIVE FRANCOPHONE, 1(10), 100–115. https://doi.org/10.29173/af28212

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