Comment résister à l’imposture ? Des voix engagées au cœur de la tourmente
DOI :
https://doi.org/10.29173/af29338Résumé
C’est sous la forme romanesque qu’Ousmane Diarra, écrivain contemporain et bibliothécaire à l’Institut français du Mali, dénonce l’invasion d’islamistes radicaux dans son pays natal, de même que leurs méthodes d’asservissement et de contrôle (endoctrinement, violence verbale et physique, humiliation, destruction des corps). Écrit en réaction aux événements de 2013 au Mali, La Route des clameurs (2014) met en scène un jeune garçon, Bassy, dont la vie quotidienne bascule, lorsque le « Calife Mabu Maba dit Fieffé Ranson Kattar Ibn Ahmad Almorbidonne et sa horde de Morbidonnes ramassés dans les caniveaux » imposent leur nouvel ordre religieux (La Route des clameurs 19). Ainsi, dans les onze chapitres qui composent ce conte romanesque, l’enfant-narrateur, enrôlé de force dans le djihad, raconte ce qu’il a vécu, vu ou entendu, rapportant aussi les paroles d’autres personnages, notamment celles de son père. En nous basant sur les théories bakhtiniennes sur la polyphonie et la voix de l’auteur dans le roman, nous allons nous intéresser non seulement à la parole libérée de cet enfant-narrateur au patronyme inconnu, mais aussi à la voix de son père, un artiste-peintre fier et bravant l’ennemi fanatique par la création artistique. Si ces voix narratives se font entendre à l’intérieur du roman, une autre voix – celle de l’auteur implicite –, dissimulée dans les voix du jeune garçon et du père, a toute sa place. En effet, l’écrivain malien s’efface devant le langage de l’enfant pour se libérer de son trop-plein de douleur face à l’instrumentalisation des enfants et à la dislocation des familles, s’engageant ensuite, tout en tenant ses distances, dans une résistance à l’intolérance et à l’obscurantisme par l’entremise du personnage du père. Ce collage de voix et de perspectives suscite tantôt du dégoût, tantôt de la compassion. Finalement, par ces procédés narratifs et énonciatifs, Ousmane Diarra pousse-t-il le lecteur à prendre part à sa démarche scripturale en le conviant à « dire non à l’imposture » ?
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© Valérie Dusaillant-Fernandes 2017
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