L’allemand comme langue imaginaire chez Victor Hugo et Balzac

Auteurs-es

  • Jeanne Bem Université de la Sarre

DOI :

https://doi.org/10.29173/af7122

Résumé

Pour des écrivains comme Victor Hugo et Balzac, l’allemand n’est pas seulement « l’autre langue » par excellence. Au contact du français, l’allemand produit cette outre-langue que tout poète rêve d’approcher. Le premier texte étudié est extrait du Rhin. Dans la XXXVIIe lettre, un amusant dialogue en français s’établit entre le voyageur et le garçon de restaurant, à Schaffhouse. Dans ce dialogue, une langue allemande imaginaire tapie à l’arrière-plan du texte permet à Hugo de défigurer le français, confrontant le lecteur avec une langue maternelle soudain énigmatique et méconnaissable, mais créatrice. L’écrivain s’est aussi servi du principe de non-coïncidence entre oralité et écriture. Une transgression encore plus marquée se rencontre dans le travail de Balzac, quand il met en scène un personnage qui apparaît dans plusieurs des romans de La Comédie humaine : le banquier Nucingen. Ce personnage à l’identité indécise (est-il Alsacien, Allemand, Polonais, Juif ?) existe uniquement par sa parole. Or dans un roman, la parole ne peut qu’être écrite. La parole de Nucingen est écrite, mais elle est à peine lisible. C’est justement en écrivant que Balzac a pu inventer l’impossible langue de Nucingen. Et il est intéressant de noter qu’il l’a inventée à un stade tardif, sur les épreuves d’imprimerie.

Biographie de l'auteur-e

Jeanne Bem, Université de la Sarre

Jeanne Bem a commencé sa carrière à la Sorbonne, où elle a fait ses études et enseigné à ses débuts. Elle est agrégée (1965) et docteur d’État ès Lettres (1977). Depuis 1981, elle a été en fonction comme professeur de littérature française et de littérature comparée dans plusieurs universités, dernièrement à l’Université de la Sarre (Allemagne). Ses intérêts vont des relations culturelles franco-allemandes à l’application au texte littéraire de diverses approches, telles que la psychanalyse, la sociocritique ou l’anthropologie. Étudiant les phénomènes de multilinguisme dans la littérature, elle a organisé en 1997 un colloque à Mulhouse (France) : Écrire aux confins des langues, Creliana, n° hors série I, (Publications du CREL, Mulhouse), automne 2001. Dans sa recherche récente, elle se tourne vers la théorie des images et l’analyse des effets visuels dans l’écriture : « Le roman et les arts visuels : une des modernités de Madame Bovary », Madame Bovary, 150 ans et après, Bulletin Flaubert-Maupassant, n° 23, 2008. Spécialiste de Flaubert, Jeanne Bem a publié notamment : Désir et savoir dans l’oeuvre de Flaubert : étude de La Tentation de saint Antoine, La Baconnière (Neuchâtel, Suisse), 1979. Elle édite actuellement Madame Bovary (publication prévue pour 2010) : Flaubert, Œuvres complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, vol. III.

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Publié-e

2009-12-11

Comment citer

Bem, J. (2009). L’allemand comme langue imaginaire chez Victor Hugo et Balzac. ALTERNATIVE FRANCOPHONE, 1(2), 107–119. https://doi.org/10.29173/af7122